Proscrits Niortais de 1851
De WikiNiort
Révision de 21 novembre 2022 à 15:46 par Hier.Sainte-Pezenne (discussion | contributions)
Article en construction 21 novembre 2022
Sommaire
Le coup d'état du 2 décembre 1851
La révolution de février 1848 met fin à la Monarchie de Juillet (1830-1848), le 24 février, la seconde république est proclamée.
- La nouvelle constitution institue le suffrage universel.
- Le 10 décembre 1848, Louis Napoléon Bonaparte (Neveu de Napoléon 1er) est élu pour 4 ans président de la république.
- Cependant, pour éviter une dictature, le président est non-rééligible. De plus, toute révision de la constitution doit être votée par l'assemblée législative à la majorité des 3 quarts.
- Ne parvenant pas à obtenir cette majorité et pour conserver le pouvoir, le Président organise avec succès un coup d'état le 2 décembre 1851 (1) avec le soutien de l'administration préfectorale et de l'armée.
- À Niort, comme dans de nombreuses villes, l'opposition au coup d'état est faible. Le 3 décembre le maire Henri Giraud démissionne. Il est remplacé par Paul François Proust (2).
- Quelques niortais prennent les armes et envahissent l'hôtel de ville. Ces contestataires sont vite dispersés par un escadron du 1er régiment de hussard réquisitionné pour maintenir l'ordre.
- (1) La date du 2 décembre a été choisie symboliquement, Elle rappelle le sacre de Napoléon 1er le 2 décembre 1804 et la victoire d'Austerlitz le 2 décembre 1805.
- (2) Le 14 octobre 1852
La Commission mixte et la répression
Dans chaque département est constituée une commission mixte chargée de juger les opposants au coup d'état.
- Elle se réunit à la préfecture des Deux-Sèvres à partir du 3 février 1852.
- Elle est composée des 3 hiérarchies garantes de l'ordre : Louis Marie Philibert Edgard de Renouard de Sainte-Croix Préfet, Savary, Procureur de la République, le colonel Lyon, Commandant du 1er régiment de Hussards.
- Les accusés n'ont pas de défenseur et les décisions de la commission sont sans appel.
- À Niort, sur une liste de 334 noms, les condamnations frappent une trentaine de personnes dont 24 considérées comme des chefs.
Les différentes condamnations
Elles frappent avant tout des républicains.
- - Certes certains, retirés de la vie politique, y échappent comme Désiré Maichain ancien commissaire de la république et député en 1848 et Antoine Baugier ancien maire de Niort.
Parmi les 24 condamnés plusieurs sont niortais.
- - Certains sont condamnés à la déportation en Algérie comme Lucien Amy gérant du journal « L'œil du peuple » (2) de 1848 à 1851 et considéré comme membre de la société secrète « La Solidarité Républicaine ».
- - C'est aussi le cas de Paul Guay présenté par la commission comme étant communiste et de Louis Sauzeau avoué à Niort.
- Ce journal, influencé par les idées de Cabet, est considéré comme communiste. Il sera interdit après le coup d'état.
- - François Rousseil, « un dangereux agitateur » emprisonné au donjon depuis le 3 avril 1851 est expédié à Cayenne en Guyane où il décèdera. (Voir wiki niort : Rosélia Rousseil) : « La fille d'un proscrit » (3).
- Plusieurs sont internés puis placés sous surveillance.
- - C'est le cas de l'avocat Louis Chabaudy avocat, ancien maire en 1847 et 1848, considéré comme républicain modéré.
- - Amable Ricard ( 1828-1876), jeune avocat inscrit au barreau de Niort en 1851, présent à l'hôtel de ville le 3 décembre, est emprisonné. Il échappe aux rigueurs du pouvoir grâce à ses relations.
- - Clerc Lasalle (futur beau père de Ricard) est le fondateur de la « Sentinelle des Deux-Sèvres » journal d'opposition sous la Restauration. Il est député de 1831 à 1834, vice-président du tribunal de Niort de 1833 à 1853.
- Enfin certains sont proscrits et expulsés de France, principalement vers l'île anglo-normande de Jersey.
- (2) « L'oeil du peuple » est intitulé : « Journal des intérêts démocratiques, agricoles et sociaux ».
- (3) Début du récit de Rosalia Rousseil :
- « La petite ville de Niort était tout en émoi. Sur la Place du Donjon une foule énorme gesticulait et criait :
- -C’est une infamie ! Il n’a rien fait. Pourquoi l’arrêter ?
- -C’est un honnête homme, nous sommes en république ! On ne peut pas l’enfermer ; c’est notre chef, on en veut à notre liberté ! »
Les proscrits de Jersey
Quatre sont niortais :
- - Amy Lucien (1810-1883) :
- Avocat, gérant du journal « Lœil du Peuple » de 1848 à 1851, il en fait une tribune des idées républicaines.
- Il est affilié à la société secrète « La Solidarité Républicaine ».
- Après le coup d'état, il est arrêté pour avoir tenté d'entraîner les niortais à résister.
- Il est condamné à la déportation en Algérie puis le 3 avril 1852, il obtient un passeport pour Jersey.
- - Chaumier Jean-Pierre (1804-1866) :
- Menuisier puis marchand de bois, juge suppléant au tribunal de commerce, il est arrêté pour avoir pris part aux événements du 3 décembre.
- Caractérisé par la commission comme « très exalté de par ses opinions socialistes », il est expulsé en Belgique puis à Jerzey.
- - Ginestet Charles (1807-1884) :
- Médecin, rédacteur en chef de « L'œil du Peuple », Défenseur d'un socialisme social, il réclame une république démocratique, le droit au travail, l'impôt progressif, l'enseignement gratuit.
- Le 17 janvier 1852, le préfet des Deux-Sèvres indique à son sujet : « C'est l'âme du parti révolutionnaire..., c'est lui qui a fait le plus de mal dans le département..., il mérite la punition la plus sévère ».
- Le 16 février 1852, la commission décide son expulsion. Il réside à Jersey. Il est amnistié en 1859 et revient en France.
- - Maichain Joseph (1816-1892) :
- Propriétaire et avocat, en 1851 il demeure à Niort rue Neuve. Il est le frère de Désiré Maichain.
- Commissaire de la République et député en 1848. Il est conseiller municipal et adjoint au maire de Niort de février à avril 1848.
- Il est soupçonné d'être membre de la société secrète « La solidarité républicaine » fondée à Paris en octobre 1848 par Ledru Rollin..
- Le 11 février, il est élu vice président de La Société de Secours Mutuel des ouvriers chamoiseurs de Niort.
- Le 10 février 1852, la commission mixte le condamne à l'expulsion du territoire comme ayant par ses paroles venu en aide aux émeutiers.
- Il se retire d'abord en Belgique puis à Jersey.
- Il est gracié le 3 février 1853 et rentre en France.
Quelques autres proscrits non niortais
On ne citera cependant que quelques exemples :
- - Grandeau Pierre garçon meunier à Saint-Maxire et de sa femme Marie Bertrand sont expulsés pour propos séditieux, le 23 février 1852, puis graciés en 1853.
- - Fayard Jacques pharmacien à Champdeniers, Rouhier médecin à Saint-Maixent le sont pour avoir des idées socialistes.
- - On citera aussi Durand Claude (1801-1895). Propriétaire vigneron à Mauzé dont il est le maire du 1er mars au 10 avril 1848.
- Il est l'un des rédacteurs de « L'œil du Peuple ». En 1848, il compose le « Chant des Vignerons » (4) chant révolutionnaire dans lequel
- Il exprime ses convictions républicaines et sociales. Il est condamné à l'exil à Jersey par la commission mixte.
- Il est de ceux qui accueille Victor Hugo le 5 avril 1852.
- Il revient à Mauzé en 1856. Jusqu'à sa mort, celui qu'on surnomme « le Père Durand », restera fidèle à ses convictions politiques.
- (4) Voici un couplet du chant :
- « Pauvre ouvrier, tu construis pour ton maître
- De beaux châteaux, de somptueux palais ;
- Tu fais aussi des prisons pour te mettre
- Car tu sais bien : les gros n’y vont jamais... »
Conclusion
Ces opposants au coup d'état du 2 décembre 1851 sont souvent des notables urbains, membres de professions libérales :
- - magistrats, avocats, médecins, mais aussi des journalistes particulièrement politisés.
- On relève peu d'artisans et d'ouvriers. Le monde rural est peu représenté si ce n'est par un vigneron et un meunier.
- Bien que graciées, ces personnes restent étroitement surveillées jusqu'à la chute du Second Empire et la proclamation de la République le 4 septembre 1870.
- Certains feront même alors une brillante carrière politique comme :
- - Joseph Maichain, maire de Niort du 8 décembre 1871 au 25 septembre 1876,
- - Amable Ricard qui après le 4 septembre 1870 fut successivement : Préfet des Deux-Sèvres, député, ministre de l'intérieur et sénateur.
- Enfin, la Troisième République (1870-1940) accorde des pensions aux proscrits de 1852 ou à leur veuve ou à leurs héritiers.
Sources
- Archives départementales des Deux-Sèvres : 4M 182, 4M 232 à 237.
- Journaux : L'œil du peuple 1848-1851, Le Mémorial des Deux-Sèvres 1851 et 1852.
- Rémy Cazal : « Les proscrit de 1852 »
- Jean-Claude Faucher : « Amable Ricard », mémoire de la société historique des Deux-Sèvres 2021
- Rosélia Rousseil : « Fille d'un proscrit » (voir wiki niort).
- Le Maitron « Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social ».
- Texte : Maurice Vinck
- Mise en page : Jean-Michel Dallet
- Hier Sainte-Pezenne Novembre 2022.