Ecole libre à Ste Pezenne, 1946 - 1948
Sommaire
L’école libre entre 1946 et 1948 à Ste-Pezenne
Période pendant laquelle Madame BAUDENEAU était l’institutrice.
Propos recueillis le 28 novembre 2014 par des membres du groupe « Hier Ste Pezenne »
Merci à Mme Baudeneau pour ce temps d’échange !
Nous posons une première question : Pouvez-vous nous parler de l’abbé Morice ?
Il était à st André avant. Quand je suis arrivée, il était à la cure avec sa mère, une personne très âgée ayant beaucoup d’autorité sur lui. Lui, c’était certainement quelqu’un d’assez faible. Il avait eu des altercations assez fortes avec la directrice, mais je ne savais pas quoi exactement.
Puis : Mme Baudeneau nous explique comment elle est arrivée à Ste Pezenne, nous parle de ses années d’institutrice, et de la suite…
Moi, j’habitais Rouillé ; et Niort, on ne connaissait pas. On allait toujours vers Poitiers, jamais vers Niort. Je me souviens avoir reçu la lettre de l’évêché : vous êtes nommée à partir de … à Ste Pezenne. Ste Pezenne, je ne connaissais pas ! Avant, on m’avait proposé Saint-Maxire. Mon mari était comptable à la RAMO (Réalisation d’appareils et de machines outils) à Niort. Nous n’avions que des vélos, mon futur mari ne voulait pas faire le trajet de nuit, j’ai refusé ce poste. Après on m’a proposé Frontenay-Rohan-Rohan. Un dimanche, nous voilà partis pour voir où c’était. Quand on a vu la distance, on n’a même pas visité ! A ce moment-là, on avait du travail comme on voulait ! Je refusais donc. Et là une 3ème proposition est arrivée : Sainte-Pezenne. De Rouillé, j’ai pris le train le matin. Arrivée à la gare de Niort j’ai demandé à un monsieur qui m’a indiqué la route (vous allez descendre vers la gendarmerie …) Rien ne nous faisait peur : on marchait.
Arrivée à Ste-Pezenne, je suis allée à la cure. Je me suis présentée à l’abbé Morice. Il m’a emmenée jusqu’à l‘école qui n’était pas très loin. On a visité la classe qui disposait d’un fourneau à charbon. J’ai visité également l’appartement, mais qui, lui, n’avait pas de chauffage.
Les registres, les livres, …
Je demandais à l’abbé où étaient les registres : il ne savait pas. L’ancienne institutrice n’était pas en bons termes avec lui quand elle était partie. J’ai reçu une lettre d’elle me disant que si je voulais la rencontrer, je pouvais venir. Mais nous n’avions que des vélos, nous ne sommes donc pas allés la voir. J’ai retrouvé les registres dans le bureau. Pour les livres et les fournitures, je demandais à l’abbé Morice. Il ne savait pas ce que l’ancienne institutrice avait comme livres. Il m’a dit de faire ma liste et qu’on irait les chercher chez M Delettre, le pharmacien. J’ai donc fait ma liste (j’avais enseigné six ans à St Benoît dans la Vienne)
Mon logement:
C’est l’abbé Morice qui recevait de l’évêché l’argent qu’il devait me donner. Je ne payais pas l’électricité, ni le chauffage (de toute façon, il n’y avait pas de chauffage dans l’appartement ! ; il n’y avait que le poele de l’école) Le logement (de fonction) n’était pas propre. L’abbé m’a dit qu’il allait faire venir le cantonnier pour passer une couche de blanc. Je n’avais rien à payer pour ce logement de fonction.
Avant le début de l’école:
Je me suis mariée le 3 octobre 1946 et l’école a donc ouvert 15 jours plus tard que prévu car il fallait le temps de l’affichage des bans à la mairie et la production d’un certificat de casier judiciaire vierge (il m’a fallu aller à Poitiers pour ça). Pendant les 15 jours avant la réouverture de l’école je suis allée visiter tous les parents et j’ai demandé un rendez-vous au maire (M. LAMBERT) (c’est ce qu’on nous avait appris !). J’ai été très bien reçue à la mairie. J’ai fait connaissance avec l’épicière, la boulangère. Je voulais mettre des rideaux dans l’appartement pour l’isoler par rapport à l’école.
Mes 2 années d’enseignement à Ste-Pezenne
Ma 1ère année se passe, les élèves n’étaient pas habitués à travailler. Il n’y avait qu’une classe unique mixte. Il a fallu leur apprendre qu’on devait arriver à l’heure, que tout était préparé la veille au soir au tableau, qu’on travaillait. Je vouvoyais les enfants, et eux m’appelait Madame, pas par mon prénom. Il y avait un respect, il y avait une crainte certainement. Les enfants n’étaient pas turbulents. Il fallait travailler ! Il y avait le cahier de roulement que chacun prenait à tour de rôle.
L’évêché décidait de me donner une aide, Mlle LACROIX . Elle avait beaucoup de patience avec les enfants, mais déjà près de 60 ans ; « c’était la vieille bigotte du coin ». Je lui préparais son travail. Elle avait les petits : il fallait leur apprendre à lire. Moi j’avais les 2 grandes divisions. J’ai eu la visite de l’inspecteur d’académie : il est arrivé en plein milieu d’après-midi. Les enfants se sont levés à son arrivée, comme je leur demandais : je commandais dans l’école. Il m’a fait remarquer que les 2 classes étaient séparées par un rideau ; or, je devais avoir la vue et la surveillance sur tout ce qui se passait : je devais donc enlever le rideau. Il m’a demandé tous les registres.
Les enfants trouvaient très dur d’apprendre et de travailler. La 1ère année, 7 élèves passaient le certificat d’études primaire catholique pour passer ensuite le certificat d’études primaire. On s’entendait très bien avec Monsieur GUILLEMET, l’instituteur de l’école publique. On se recevait même. A la mort de Monsieur guillemet, je suis restée en contact avec sa femme : j’allais jouer au scrabble avec elle. Présenter des élèves au certificat, c’était un honneur. L’instituteur de l’école publique avait présenté 4 ou 5 élèves qui avaient tous échoués. Mes élèves, elles ont toutes eu leur certificat (de l‘école libre d’abord, puis l’autre en suite). Les parents étaient très contents ; ils m’apportaient une douzaine d’œufs, un kilo de sucre… ! Je n’étais pas habituée à ça.
Tous les ans j’organisais un voyage surprise. Nous allions à la Roussille à pied, on faisait un pique-nique et on organisait des jeux. Je faisais ce que l’on m’avait appris ; je suivais les ordres que je recevais. L’académie donnait la liste des programmes annuels et la liste des programmes pour les certificats. Je devais les acheter.
Le curé venait tous les mois pour donner les notes aux élèves. Il me payait mon salaire en espèces.
L’école était obligatoire jusqu’à 14 ans.
La 2ème année vers le 15 juin 1948 (1 mois avant les vacances), j’ai reçu une lettre recommandée de l’évêché (apporte à l’école par le facteur) m’indiquant mon licenciement le 14 juillet 1948. L’école a fermé au grand regret des parents qui ont organisé une réunion dans la salle paroissiale : mais rien ne pouvait être fait pour empêcher ça. L’abbé Morice n’a rien fait pour empêcher la fermeture de l’école , même si l’école libre était très bien notée.
Après la fermeture de l’école libre de Ste-Pezenne
Nous nous sommes retrouvés sans logement. J’ai demandé à toute la classe : un parent d’élèves nous a trouvé une pièce dans une maison. Une seule pièce, mais nous n’avions pas de meubles. Nous sommes allés acheter une cuisinière. Le reste nous a été prêté : un lit, une table. L’abbé (pas aimable du tout) voulait que je lui redonne les clés le 13 juillet au soir. Mon mari voulait aller lui porter les clés, mai je lui ai dit non (peur de bagarre !) : l’école, c’était mon truc ! L’abbé soutenait des choses qui étaient fausses ; « c’était un breton à tête chauve ». J’ai laissé tous les registres, les papiers. Mais, il paraît que sa bonne a fait brûler ces documents par la suite. Ensuite, il s’agissait de trouver du boulot. Je suis allée à l’académie où on m’a dit que je devais aller à l’école normale pour continuer à enseigner dans l’école publique. Je suis née en 1923, on était en 1948, je n’avais pas envie. C’était un choc. Un jour je suis allée à la sécurité sociale pour des formalités lorsque je vois une affiche indiquant que l’on recherchait du personnel niveau 1ère partie du bac (le bac étant en 2 parties à l’époque). Je me suis inscrite. Il y avait un examen (4 matières dont la géographie) le 19 juillet. J’ai potassé la géographie des Deux-Sèvres pendant quelques jours. On était 4, 2 ont été reçues, dont moi. L’autre s’est désisté, j’ai donc été embauchée. Au début : au classement. Je trouvais que le travail n’était pas très intéressant mais le principal était de travailler. Je faisais les 4 trajets en vélo. La sécurité sociale était rue Rochette à l’époque (là où est la Croix Rouge aujourd’hui).
J’ai regretté toute ma vie d’avoir été obligée de quitter l’enseignement. C’est pour cela que j’ai fait du soutien scolaire pendant 21 ans au secours catholique où j’ai retrouvé d’anciennes institutrices qui continuent à venir me voir aujourd’hui.
Echanges autour des élèves de la classe à partir de la photo tout au long de l’entretien :
Mme BAUDENEAU, après toutes ces années, se souvient parfaitement des noms et prénoms de ses élèves, de ce que certains sont devenus. Elle a revu certains de ses anciens élèves.
Source
- Mme BAUDENEAU: témoignage d'une ancienne institutrice.