Voyage à Niort en 1912
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Article en construction : 5 janvier 2025
Sommaire
Niort en 1912, vu par Léon Lahovary
En mars 1912, Léon Lahovary (1890-1936) (1) passant par Niort rédige des notes sur la ville de Niort.
- Cette description lui fut sans doute inspirée par Séverin Canal (1885-1977), archiviste des Deux-Sèvres à partir de 1909.
- Ce récit, voir extrait ci dessous, donne une vision flatteuse et précise de notre ville.
- À la même époque, en 1912, Léon Lahovary publie : « Une visite à la Rochelle et à ses environs » .
- (1) Léon Lahovary est de nationalité Roumaine et d’expression française, fils de Lacov Lahovary (1846-1907) qui fut ministre des affaires étrangères de Roumanie.
- Léon Lahovary fut un célèbre poète : exemples : La Jonchée (Poèmes de l’année glorieuse (1914-1915)) et d’études littéraires : Les Lauriers et les glaives etc...
Niort en 1912, première partie du récit
- « Niort, la calme et jolie cité aux rues montantes et zigzagantes, où des églises toutes neuves entourent un vieux donjon !
- Niort, la patrie de Fontanes, Niort, le pays de l'angélique, Niort, sur les bords riants de la Sèvre-Niortaise, Niort, au cœur du pays Poitevin.
- C'est ici la province française ou, du moins l'une des nombreuses petites Frances incorporées dans la grande... Ces paysages si lumineux, si verts, et d'une verdure mouillée par la rosée ou ruisselante de gouttes de pluie, sont doux à contempler, et frais, et reposants...
- La ville elle-même, au premier abord, ressemble à beaucoup d'autres villes, de petites villes de province... de larges boulevards qui nous paraissent d'autant plus larges qu'ils sont déserts et silencieux... des maisons alignées comme des mausolées, aux volets clos, aux portes verrouillées, qui nous paraissent d'autant plus mornes, plus grises et plus mélancoliques que l’on ne voit personne s'accouder aux fenêtres, et que, muettes et impénétrables, elles ont l'air, ces maisons, de garder un secret...
- Cependant, le calme est ici la félicité, l'intime et pénétrante douceur des joies et même, parfois, des douleurs partagées, et non point la torpeur et le désœuvrement, comme on pourrait le croire... Oui, la province est riche de vie intérieure... On monte, on descend, on trébuche, par ces rues mal pavées, tortueuses et bizarres, et, pour vous aider à grimper, ma jolie petite Muse Niortaise qui portiez, naguère, la coiffe poitevine, je vous prends par le petit doigt, comme dans la chanson de Botrel...
- Voici les deux hautes tours de l'église Saint-André, l'église aux piliers colossaux, aux voûtes profondes et majestueuses... Cette église n'est pas très ancienne. Elle est même un spécimen fort beau, fort imposant, du gothique moderne...
- Voici le parc de Niort, le grand parc... Comme les Buttes-Chaumont ou la butte de Montmartre, il a des pentes et des gradins... Nous faisons quelques pas dans l'allée supérieure. Le vaste paysage qui, à perte de vue, s'étend devant nous, est une merveille de grâce molle, de douceur qui caresse les yeux, de simplicité et de poésie vrai...
- La Sèvre-Niortaise coule au bas, au milieu des lavoirs, sous les vieux ponts de pierre…
- André Theuriet, je crois, a décrit quelque part cette tranquille et jolie vallée, ce large et magnifique panorama...
- Voici devant l'ancien hôtel de ville, élégante bâtisse aux décorations surannées, la petite place du pilori où l'on attachait les hommes voués, jadis, à la vindicte publique, pour qu'ils subissent tous les affronts, toutes les humiliations, toutes les intempéries, et, parfois tous les coups...
- Voici la haute flèche de l'église Saint-Etienne, toute neuve et toute blanche aussi, illuminée par le soleil, transfigurée par la lumière... Elle a tout le charme émouvant, tout l'attrait vif qui, c'est le destin, dureront plus longtemps que nous... La décoration en est originale.
- Voici la grande rue commerçante et le passage où les boutiques de confiseurs étalent à leur devanture, de longs bâtons verts d'angélique, d'une angélique fraîche, savoureuse et sucrée. C'est la spécialité du pays et une spécialité qui plaît à tout le monde !.. Niort, le pays de l'angélique ! Niort qui mire ses toits rouges, ses murailles grises, ses blancs clochers, dans les flots clairs et calmes de la Sèvre-Niortaise ! Niort un jour de printemps, Niort au cœur du Poitou !
- Continuons notre promenade, puisque le temps est beau et que Niort nous enchante ! »
Niort en 1912, seconde partie du récit
- « Voici le célèbre donjon, Bastille en miniature, triste geôle de province dont les murailles épaisses ont, sans doute, étouffé bien des gémissements, des cris sourds et des râles, où, jadis, furent incarcérés et oubliés tant d'innocents ! Là où enfermé, au grand siècle, le père de Mme de Maintenon, à l'heure même où sa fille, qui devait devenir une femme si illustre, venait au monde dans un coin de la ville et saluait le jour naissant.
- La vue que l'on a sur la ville et sur toute la contrée, du haut de ce donjon assez bien conservé, est très belle et très étendue, surtout par ce matin frais et ensoleillé.
- À l'un des étages du donjon l'on a installé avec beaucoup de goût, de connaissance des usages locaux et d'amour sincère et profond de la petite patrie, de la province natale, un petit musée régional du puis haut intérêt. Que de jolies choses l'on y voit, et combien instructives !
- Oh ! les ravissantes poupées portant le costume du pays et la coiffe particulière (Voir photo) à telle ou telle localité, celle de La Mothe-Saint-Héray, celle de Vivonne, celle de Couhé, celle de Marans, pour ne citer que les plus jolies.
- Des gâteaux du pays sont là, à portée du regard : des "échaudés", des "fouaces", des "bottereaux", , des "tourtisseaux".
- Voici des houppelandes, des bottes, des chauffrettes.
- Je salue en passant le buste d'Émile Dutiers, (Voir photo) mort en 1897, un bon poète du terroir et, par-dessus tout, un brave homme dont la ville de Niort garde fièrement l'effigie. en dernier et émouvant pèlerinage nous reste à accomplir en cette bonne ville calme et laborieuse... Voici l'église Notre-Dame où de très anciens souvenirs nous attendent sur le parvis, où, ma Muse des bords de la Sèvre, un peu de votre âme d'enfant est resté !
- Mais quoi ?... L'église était bien plus grande naguère... Vous entrez, et vous la reconnaissez à peine... L'autel devant lequel on s'agenouille et prie n'est pas à la même place que jadis... Ah ! c'est qu'une catastrophe soudaine, et qui aurait pu être terrible, a eu lieu voici un an, deux ans à peine... Deux vieux piliers se sont effondrés, entraînant une partie de la voûte dans leur chute, (Voir photo) et c'est là l'explication de cet aspect nouveau, un peu déconcertant... Les heures passent au cadran de l'horloge comme au cadran de notre vies.. Ce sont nos dernières heures niortaises, et nous avons fini notre pèlerinage... Adieu, Niort jolie petite ville qui te prélasses, calme et joyeuse, sur les rives molles et fleuries de ta belle rivière nonchalante ! Adieu, bonne et vaillante cité, aïeule chère et vénérable qui sourit sous tes cheveux blancs.
- Ma Muse du terroir, ma Muse poitevine, nous emportons un souvenir profond, délicieux, attendri, de l'aimable cité de Niort, de son donjon et de ses églises, de ses parcs et de sa rivière, de ses ponts et de ses lavoirs, qui forment un si pittoresque coup d'œil, de ce joli coin de vieille France, de cette ville pleine de souvenirs et de vestiges du passé, si gaiement parcourue, explorée, visitée en ces premiers jours de printemps, de résurrection, d'allégresse, vue, au retour d'un beau voyage, entre deux trains. » Léon Lahovary
Sources
- Léon Lahovary (1890-1936).
- Mémorial des Deux-Sèvres (1912).
- Archives 79.
- wikiniort.
- Recherches, texte, illustrations et mise en page : Jean-Michel Dallet.